« Mademoiselle y alla avec beaucoup de joie et de résolution, suivie des comtesses de Fiesque et de Frontenac et de plusieurs autres dames habillées en amazones, accompagnées du duc de Rolian, de quelques conseillers du Parlement et de plusieurs jeunes gens de Paris. J’ai quelque connaissance des sentiments de cette princesse qui, de quelque manière qu’on les tournât, étaient criminels ; mais on peut dire en sa faveur que, sa passion étant légitime, il y avait quelque chose de grand et d’excusable dans son action. La bonne mine du Roi, la majesté qu’il portait dans ses yeux, sa taille, et toutes ses grandes et belles qualités, n’avaient point de charmes pour elle. La couronne fermée était le seul objet de son ambition[1].
« Par son intrépidité et son esprit chevaleresques, Mademoiselle réussit à fermer au roi les portes d’Orléans. On sait que plus tard elle fit tirer sur les troupes royales le canon de la Bastille. Mais ces façons cavalières ne réussirent nullement à éveiller la passion de Louis XIV, et la princesse, désabusée, désespérant d’être prise à l’assaut, comme une place forte, en fut réduite par la suite à rechercher la main de Lauzun.
« Une des liaisons les plus intimes de Madame de Frontenac fut avec Madame de Maintenon, ainsi que le prouve le recueil de la correspondance de cette illustre dame, et elle continua à recevoir jusqu’à sa mort, malgré l’élévation subite de la compagne de Louis XIV, les lettres intimes de cette amie de sa jeunesse. Il est vrai que, s’il faut en croire Voltaire, ces deux dames étaient proches parentes ; mais ce fait n’ôte rien au reflet de gloire qu’une pareille intimité projette sur Madame de Frontenac.
« En 1680, cette dernière ayant écrit à son amie pour la féliciter des progrès de la faveur royale, Madame de Maintenon répondit : « À quarante-cinq ans il n’est plus temps de plaire ; mais la vertu est de tous les âges… Il n’y a que Dieu qui sache la vérité. Je le renvoie (Louis XIV) toujours affligé, jamais désespéré. » Quelques années auparavant, en 1672, elle avait écrit : « le maître vient quelques fois chez moi, malgré moi, et s’en retourne désespéré, jamais rebuté. »
- ↑ Biographie universelle — article Molé, tome 29, pages 282 et suivantes — édition de 1821.