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APPENDICE

ter dans de détestables ana, sans triage de faits comme sans discernement de personnes, tous les papotages sociaux prétendus historiques, et qui ne sont, en définitive, que des bruits malveillants montés de la rue, que des odeurs malsaines échappées de l’égoût.

Qu’un faux portrait coure la rue, l’événement en est fâcheux pour les bibliophiles et les antiquaires, mais qu’une calomnie, savamment élaborée, coure l’histoire et s’y accrédite, le malheur en est irréparable pour le personnage auquel elle s’attaque. Calculez le temps et l’effort, souvent inutile, apportés à l’atteindre d’abord, puis à la détruire. Un vieux proverbe anglais, un des plus typiques que je connaisse, ne dit-il pas : A lie will travel seven leagues while truth is getting on its boots ? Si la justice légale a ses boiteries — festinat claudo pede — la vérité historique a ses rhumatismes. La pauvre souffreteuse marche à cloche-pied et sa béquille est d’une lenteur désespérante.

Peu importe cependant que la réhabilitation historique de Madame de Frontenac soit prompte ou tardive : elle est assurée, et cela doit suffire.

Murder will out ! disent les Anglais. C’est plus qu’un dicton populaire, c’est un cri de la conscience humaine. Truth will out ! en est un autre, et malheur à l’historien qui ne l’entend pas !

Il nous reste à considérer au mérite le tronçon de lettre citée aux pages 226 et 227 d’À travers les registres.

Cette lettre, que je veux bien, par convenance toute gratuite, accepter comme authentique, pour les fins de la présente discussion, est affreusement mutilée. Elle ne porte aucune date, aucune adresse, aucune signature. Quand fut-elle écrite ? Où fut-elle écrite : en France ou au Canada ? Qui l’écrivit ? À qui fut-elle adressée ? Qui la reçut ? Je pourrais multiplier à plaisir les points d’interrogation.

En définitive, que nous dit-il ce fragment de lettre ?

Que Madame de Frontenac refusa d’accepter le cœur de son mari ?

Que le Père Joseph Denis le rapporta à Québec ?

Nullement. — Elle nous apprend, en toute candeur et simpli-