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APPENDICE

— car elle avait trop d’esprit pour croire à ce qu’elle signait — je ne connais personne au monde qui voulût s’en porter garant ! Je fais injure à la Divine ! Son billet eût été endossé par l’abbé Fénelon, le gouverneur Perrot, le procureur-général d’Auteuil, l’intendant Duchesneau, par d’Urfé, Morel, Tilly, Villeray, et tutti quanti, car ils étaient légion les privilégiés de la tendresse du gouverneur !

Je disais donc que, placée dans la bouche d’un jésuite, ennemi naturel de Frontenac, l’anecdote du coffret d’argent n’eût trouvé que des incrédules, mais que, racontée par un récollet, le religieux par excellence mis à la dévotion du gouverneur, cette calomnie devenait médisance et cette médisance était acceptée sans discussion, comme un article de foi historique. Mais puisqu’un récollet le disait, il fallait bien que cela fut vrai, n’est-ce pas ?

Or, le Frère Louis, que le Dictionnaire Généalogique tient responsable de l’authenticité du fait qu’il rapporte[1] a-t-il bien parlé ? Et qu’a-t-il dit ?

Absolument rien. L’assertion du Dictionnaire est toute gratuite. Plusieurs biographies de ce religieux ont paru, entre autres celle de M. l’abbé Charles Trudelle, et nulle part on n’y trouve une allusion, un seul mot relatifs à Madame de Frontenac[2]

  1. « La tradition rapporte, d’après le Frère Louis, » etc. — Cf : Tome 1er, pages 243 et 244, note 4.
  2. Notons que la tradition conservée par le Frère Louis et reproduite par M. de Gaspé dans ses Anciens Canadiens — au dire du Dictionnaire Généalogique — ne se trouve pas reproduite dans les trois éditions (1863, 64 et 77) des Anciens Canadiens, non plus que dans les Mémoires du même auteur. Erreur n’est pas compte, car, fût-elle vraie, cette assertion ne ferait que référer le lecteur à la note 4, pages 243 et 244 du Dictionnaire Généalogique. Or nous connaissons maintenant la valeur des témoignages recueillis dans cet ouvrage.
    En 1898, l’abbé Charles Trudelle a publié une fort intéressante biographie du Frère Louis (« Louis-François Martinet dit Bonami, » de son véritable nom famille). Il n’est aucunement question, dans les anecdotes rapportées, du cœur refusé de Frontenac ni de la détestable réponse de la comtesse.
    La Bibliothèque Canadienne, série d’opuscules édités par M. Pierre-Georges Roy, rédacteur-propriétaire du Bulletin des