Page:Myrand - Frontenac et ses amis, 1902.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
ET SES AMIS

indéfiniment sous le charme comme ces magnétiseurs habiles qui n’éveillent pas leurs sujets. Écoutez comment en parle le duc de Saint-Simon :

« Madame de Frontenac, et Mademoiselle d’Outrelaise, qu’elle logeait avec elle à l’Arsenal, donnaient le ton à la meilleure compagnie de la ville et de la Cour, sans y aller jamais. On les appelait les Divines. En effet, elles exigeaient l’encens comme déesses et ce fut toute leur vie à qui leur en prodiguerait. »[1]

M. Alfred Garneau, le fils de notre historien national, dans une excellente étude sur Les Seigneurs de Frontenac, parue il y a déjà très longtemps[2] a dit fort bien :

« Anne de la Grange-Trianon, comtesse de Frontenac, avait en perfection la beauté qui ravit,

Et la grâce plus belle encor que la beauté. »


« À la Cour on l’appelait la Divine : nulle femme, en

  1. Cf : Mémoires de Saint-Simon, année 1707, tome 5, page 335, édition Hachette. — Paris 1856.
    Mademoiselle d’Outrelaise était une belle et aimable personne du Poitou, que la comtesse de Fiesque avait produite et qui avait communiqué à la comtesse de Frontenac, son amie, le surnom de Divine qu’on lui avait donné tout d’abord.
    Louis Jolliet, le découvreur du Mississipi, se garda bien de laisser échapper la bonne occasion que lui fournissait son exploit géographique de faire sa cour à Frontenac. Il désigna sous le nom de Frontenacie toute l’étendue de pays exploré, appela Rivière Buade le Mississipi, et donna le nom de Rivière de la Divine à la rivière des Illinois en l’honneur de la belle Anne de la Grange-Trianon. On ne pouvait plus gracieusement flatter l’amour-propre du maître. Frontenac, à son tour, par un mouvement de modestie intéressée, changea le nom de Frontenacie en celui de Colbertie, et, pour la même raison d’hommage rendu au grand ministre, la rivière Buade devint la rivière Colbert. Ni l’un ni l’autre de ces deux noms, Frontenacie et Colbertie, ne demeurèrent longtemps sur les cartes ; celui de Louisiane a prévalu. Il nous rappelle Cavelier de la Salle et Louis XIV.
  2. Cf : Revue Canadienne, année 1867, tome 4, page 147.