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APPENDICE

monteix ? Non seulement elles s’excusent mais elles se justifient. On me prouverait que cette rancune et cette antipathie confinent à de la haine, que je n’en serais aucunement scandalisé. On ne pardonne pas à qui outrage sa mère. Or, pour Carheil, pour Charlevoix, pour Rochemonteix, la mère, l’alma sancta parens, c’est, hier comme aujourd’hui, la Compagnie de Jésus.

Sans vouloir aucunement excuser Frontenac, il convient de tenir conjointement responsables de sa mauvaise action ceux-là qui le confirmèrent dans ses préjugés contre les Jésuites dès qu’il fut arrivé à Québec. Ils partagent avec lui l’odieuse solidarité de cette diffamation.

Il est évident que Frontenac était prévenu contre la Compagnie de Jésus bien avant son départ de France, car vingt jours vécus au Canada n’étaient pas un délai suffisant d’observation qui lui permît de juger équitablement des religieux qui avaient tant fait déjà pour le bien spirituel et temporel de la colonie. Remarquons, en effet, que le gouverneur écrit à Colbert moins d’un mois après son installation officielle dans la capitale de son gouvernement. Nous comptons à peine trois semaines entre le 12 septembre, date de la séance du Conseil Souverain où furent enregistrées les lettres patentes de Louis XIV nommant Frontenac son lieutenant-général au Canada, et le 2 novembre 1672 date du rapport du gouverneur au ministre. J’en conclus donc, et logiquement je l’espère, que Frontenac écrivant à Colbert que les Jésuites « songeaient autant à la conversion du Castor qu’à celle des âmes, et que leurs missions étaient de pures moqueries », était beaucoup plus l’écho des sentiments haineux des ennemis des Jésuites au Canada que des siens propres.

Un autre petit fait me confirme dans cette opinion. Au cours de cette même correspondance officielle du 2 novembre 1672, il prévient le ministre contre Villeray qui sollicitait alors la charge de procureur-général, parce que celui-ci, ami déclaré des Jésuites, leur était entièrement dévoué. — Voici ce qu’il écrit :

« Villeray passe ici pour un esprit brouillon et qui cherche à mettre la désunion partout, quoique d’ailleurs il ait de l’entendement et du savoir. C’est ce qui a obligé, il y a un an, de l’ôter du Conseil. Il y a encore un autre raison plus forte ; c’est qu’il est entièrement dévoué aux Pères Jésuites, » et l’on dit même ici communément qu’il est « du nombre de ceux qui, sans en porter