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FRONTENAC

de Frontenac porte le costume de Minerve : sur la tête un casque à cimier surmonté d’un panache ; à la main droite, un arc ; au bras gauche, un bouclier ; au corsage, en forme de cuirasse, la tête de Méduse, répétée sur chacune des épaulières. À l’angle inférieur de la toile, à droite, on lit ces mots : Anne de la Grange, Comtesse de Frontenac[1].

Madame de Frontenac fut un pouvoir caché dans le rayonnement du trône de Louis XIV ; sa force semblait grandir à mesure qu’il se faisait plus invisible et plus lointain en apparence. En 1678, madame de Frontenac était tenue à la Cour en une telle estime qu’on la rechercha en qualité de dame d’honneur pour la princesse de Conti lorsqu’il s’agit de former la maison de cette altesse royale. Mais la comtesse, encore mal revenue des ennuis que lui avait causés une position semblable auprès de la duchesse de Montpensier, refusa ce rôle officiel, envié par tant d’autres, et préféra les amers désagréments, toutes les petites et grandes misères d’une vie pauvre mais libre, aux pompes asservissantes d’une haute domesticité. Elle n’en exerça pas moins une influence considérable sur les destinées mêmes de notre ancienne mère-patrie. Sa correspondance intime avec Madame de Maintenon, dont elle fut la confidente, le prouve avec éclat.[2]

Fleur de luxe, mondaine raffinée, arbitre reconnu de l’élégance, du bon goût et du bel esprit, Madame de Frontenac — une des plus belles femmes de France — possédait un don supérieur en puissance et en séduction à l’art magique des fées : celui de se créer autant d’amis que de connaissances. Et cet autre, encore plus inestimable, de ne perdre aucun de ses admirateurs, de les tenir

  1. Voici la mention de ce portrait au catalogue des Musées de Versailles : No 3.508, Comtesse de Frontenac, 17ième siècle. — Pas de nom d’auteur.
  2. Je veux parler de cette correspondance active échangée à propos d’un événement qui entraîna les plus graves conséquences politiques, c’est-à-dire du mariage de Madame de Maintenon avec Louis XIV.