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FRONTENAC

ministration des affaires publiques, un tel apaisement s’était produit dans leurs querelles personnelles que l’Intendant fut réellement ému de la mort du gouverneur, et il pleura la perte de ce vieil antagoniste comme celle d’un véritable ami.

Voici ce qu’il écrivait au ministre, en date du 22 décembre 1698 :

« Vous aurez de la peine à croire, Monseigneur, que je sois aussi véritablement touché que je le suis de sa mort, après les démêlés que nous avons eus ensemble. Cependant il n’est rien de plus vrai et on en est persuadé. Aussi, il n’y a jamais eu que les différents sentiments que nous pouvions avoir pour le service du Roi qui nous ont brouillés, car de lui à moi, comme particuliers, nous n’en avons jamais eu. Il en a usé d’une manière si honnête à mon égard pendant sa maladie, qu’on peut dire avoir commencé au départ des vaisseaux, que je serais tout à fait ingrat si je n’en avais de la reconnaissance. Le petit testament qu’il a fait et dont je vous envoie copie, en est une preuve. Je le ferai exécuter, et je puis vous assurer que j’ai un très grand soin des intérêts de Madame la comtesse de Frontenac. »

Cet extrait, à mon avis, prouve bien la sincérité du regret et la vivacité de l’impression causés à Champigny par la mort de Frontenac. Celui-ci avait légué à l’Intendant un fort beau crucifix, souvenir personnel de Madame de Montmort, et un reliquaire à Madame de Champigny, cousine germaine de Mgr de Laval.[1]

Voici l’extrait du testament relatif à ce double legs :

« Et pour marquer de la confiance qu’a, lui seigneur testateur, aux protestations d’amitié que le dit seigneur Intendant lui a faites, il le prie d’accepter un crucifix de bois de calembourg que Madame de Montmort, sa sœur, lui a esté en mourant et qu’il a toujours gardé depuis comme une véritable relique ; et prie Madame l’Inten-

  1. Voir note à l’Appendice.