Page:Myrand - Frontenac et ses amis, 1902.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
FRONTENAC

tents. Il n’a rien qui choque, il imite M. d’Agen[1] sans le copier ; il est hardi, il est modeste, il est savant, il est dévôt ; enfin j’en fus contente au dernier point. »

L’enthousiasme de Madame de Sévigné nous garantit l’excellence du sermon de Montmort. Le jeune prédicateur n’avait alors que vingt-sept ans. Neuf ans plus tard, et c’était justice à rendre à son talent et à sa vertu, il montait sur le trône épiscopal de Perpignan.

En 1671, Frontenac était, à Paris, l’hôte adoré de sa sœur Henriette-Marie. Ne me demandez pas si l’oncle Frontenac courut entendre son neveu de Montmort prêcher devant la Cour. Il devait être aux meilleures places. Ce triomphe oratoire de l’enfant qu’il aimait le plus après le sien, François-Louis de Buade avait alors dix-huit ans, fut pour le vaillant officier une fête inoubliable de l’esprit et du cœur. Peut-être — et cette conjecture n’est pas invraisemblable — eut-il la joie superbe de s’entendre dire au sortir de l’église, devant le tout-Paris de Louis XIV : « Je n’ai jamais ouï un si beau jeune sermon ! » Et cela, de la bouche même de Madame de Sévigné. Heureux Frontenac ! il aurait eu la primeur de l’un des mots les plus charmants de l’immortelle marquise.

Vingt-quatre ans plus tard, un jour de mai 1695, à Québec, par les vaisseaux venus de France, Frontenac recevait une lettre lui annonçant la mort de Louis Habert de Montmort, son neveu, décédé à Montpellier le 23 janvier précédent.

Et de même qu’un musicien lisant un opéra croit véritablement entendre des voix et des instruments chanter à son oreille les paroles et les airs de la partition, de même Frontenac, lisant sa lettre de faire part, avait-il l’invincible illusion d’entendre, à la distance de vingt-

    elle à Mme de Grignan, de n’entendre parler de Dieu que de cette Sorte. » — Et ailleurs elle s’écrie : « Comment peut-on aimer Dieu quand on n’entend jamais bien parler de lui ? Il vous faut des grâces plus particulières qu’à d’autres. »

  1. C’est-à-dire Claude-Joly.