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ET SES AMIS

Comme on le voit, la maison des Montmorts était bien le suprême refuge des rebelles et des désespérés ; asile discret et sûr où personne ne demandait aux blessés de la vie la raison de leur révolte ou le secret de leur douleur.

De même que Frontenac avait une sœur préférée, Henriette-Marie de Buade, de même il eut un neveu favori. Ce fut le second des enfants de cette femme[1], Louis Habert de Montmort, nommé évêque de Perpignan en 1680. Entré dans les ordres, le fils d’Henriette de Frontenac parut le digne élève de Claude-Joly[2], et lorsqu’il aborda la chaire, l’auditoire n’eut qu’une voix pour acclamer son premier sermon. Madame de Sévigné, la reine des beaux esprits à cette époque — et Dieu sait combien le 17ième siècle en compta — écrivait de Paris, à sa fille, à la date du 1er avril 1671 :

« Nous entendîmes l’autre jour l’abbé de Montmort ; je n’ai jamais ouï un si beau jeune sermon ; je vous en souhaiterais autant à la place de votre minime[3]. Il fit le signe de la croix, il dit son texte ; il ne nous gronda point ; il ne nous dit point d’injures ; il nous pria de ne point craindre la mort puisqu’elle était le seul passage que nous eussions pour ressusciter avec Jésus-Christ. Nous le lui accordâmes ; nous fûmes tous con-

  1. Henri-Louis Habert de Montmort et Henriette-Marie de Buade eurent cinq enfants, trois fils et deux filles : Henri-Louis Habert de Montmort, seigneur du Mesnil ; Louis-Habert de Montmort, évêque de Perpignan ; Jean-Louis Habert de Montmort ; Anne-Louise Habert de Montmort, épouse de N. de Bortillat, gouverneur de Rocroy, et Marie-Madeleine Habert, Madame de Rieu, maître d’hôtel ordinaire du Roi.
  2. Claude-Joly, prédicateur français, né en 1610 et mort en 1678. Il fut d’abord curé de la paroisse de Notre-Dame-des-Champs, puis nommé à l’évêché de St-Pol-de-Léon en basse Bretagne. Il devint ensuite évêque d’Agen ou il précéda Mascaron.
  3. Il s’agit du minime qui prêchait à Grignan en 1671. Ce n’était pas un foudre d’éloquence, et Madame de Sévigné s’en moque avec M. de la Rochefoucauld pendant toute une grande page de ses Lettres : « Nous vous plaignons bien, disait-