voulaient, comme Louis XIV pour Molière, que tous les beaux esprits souffrant de l’indigence, vinssent à posséder comme eux le secura quies que leur procurait la richesse, ce repos assuré que chantait Virgile dans les Géorgiques et qu’il enviait aux laboureurs pour les artistes et les poètes mendiant dans les grandes villes. Délivrés des affres du lendemain, ils n’auraient eu qu’à vaquer, sans contraintes d’argent, en toute liberté d’action, à leurs occupations littéraires, au premier rang desquelles Du Lude et tout son cercle plaçaient la conversation, avant même l’oraison funèbre, le théâtre et l’opéra.
Voilà comment et pourquoi le grand maître de l’artillerie adora la Divine. À l’instar de cent autres superbes courtisans il ne lui avait voué qu’un culte chevaleresque et platonique. Cette religion, basée sur des principes d’admirations mutuelles et de réciproques sympathies se réduisait en pratique à des échanges de galanteries et de politesses, à des égards parfaitement avouables, à des hommages absolument courtois. Au moyen-âge, la dame d’un preux chevalier n’était pas sa maîtresse : pourquoi, dans l’histoire moderne, l’amie d’un gentilhomme le serait-elle ? À ceux-là de mes lecteurs qui sourient en songeant au bel appartement que Madame de Frontenac occupait à l’Arsenal, de par la grâce de Du Lude, je leur rappellerai le mot d’Édouard III, roi d’Angleterre, à ses courtisans, souriant comme eux, lorsqu’il ramassa la jarretière de la belle comtesse de Salisbury : Honni soit qui mal y pense !