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ET SES AMIS

plaisirs, mais il était en honneur, au Canada, dès les premiers temps de la colonie.

En 1646, le 31 décembre, sous l’administration de Montmagny, on joue Le Cid dans la Maison des Cent-Associés. L’année suivante, 27 février 1647, mercredi gras, on y donne un ballet. Plus tard, sous Lauzon, 4 décembre 1651, on joue l’Héraclius de Corneille ; l’année suivante, 16 avril 1652, nouvelle représentation du Cid[1]. Et cela se continue, à des intervalles plus ou moins rapprochés, au château St-Louis, sous les administrations subséquentes, à l’exception de celles de De la Barre et de Denonville. La tragédie et la comédie, proscrites avec Frontenac en 1682, reviennent avec lui en 1689. En janvier 1694, le Nicodème de Corneille et le Mithridate de Racine sont joués avec le plus grand éclat. Le succès de ces deux représentations enhardit Frontenac qui ne parle rien moins que de faire monter Tartufe. On ne jugeait pas alors la fameuse comédie de Molière avec l’indulgence de la critique moderne. Mgr. de Saint-Vallier fut épouvanté de l’audace du gouverneur et, pour éviter le scandale d’une pareille représentation, il offrit à Frontenac de lui payer cent pistoles s’il voulait consentir à retirer la pièce. Le gouverneur accepta le marché, et Tartufe ne fut pas joué à Québec, malgré ce qu’en a dit l’abbé LaTour.[2]

  1. Cf : Le Journal des Jésuites, pages 75, 78, 164 et 166.
    Le savant abbé Laverdière a respecté l’orthographe bizarre de cette précieuse archive. Aussi le typographe a composé : Le Scide.
  2. À ceux-là qui écriront plus tard l’histoire du théâtre au Canada, je signale le passage suivant des Jugements et Délibérations du Conseil Souverain. — 18 octobre 1694, tome III page 926 :
    « Qu’il soit nommé un ou deux commissaires pour informer si, dans les tragédies et comédies qui se sont jouées les années précédentes pendant le carnaval et celles qui ont été représentées celui-ci (1694) il s’est commis quelque désordre, et si l’accompagnement de quelques circonstances particulières les ont rendues plus dangereuses ou plus criminelles que celles qui ont été représentées DE TOUS TEMPS EN CE PAYS, le tout sur les mémoires qui leur seront fournis par qui en voudra donner. »