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ET SES AMIS

vice-royal, avec trois mille livres d’appointement dans ses poches[1] !

À l’exception de l’intendant Duchesneau, l’ennemi personnel de Frontenac, tous ceux qui ont accusé ce gouverneur de profiter de sa position pour se procurer quelques gains par la traite des pelleteries n’ont jamais manqué d’ajouter qu’il ne le faisait « que pour suppléer à l’insuffisance de son traitement. » Ce qui explique le mot de Charlevoix à son adresse : « on ne l’accusa jamais d’être intéressé. »

Bien plus, les bénéfices qu’il réalisa, loin d’accroître sa fortune personnelle, furent appliqués au développement de la colonie. Je n’en rappellerai qu’un exemple. En juillet, 1681, Frontenac, sur son propre argent, prêta à Cavelier de la Salle 13,623 livres, une somme fort rondelette à cette époque, pour lui aider à construire le fort Cataracouy. Vingt-deux ans plus tard, en 1703, la veuve du gouverneur retirait de cette créance six mille livres seulement. Le reste du capital, plus les intérêts accumulés depuis 1681, furent totalement perdus.[2]

À l’époque de la guerre des Onnontagués (1696) Frontenac était âgé de soixante-seize ans. Or, savez-vous quelles récompenses Louis XIV avait jusqu’alors accordées à ce loyal et dévoué serviteur ? Deux gratifications pécuniaires : l’une de six mille livres, en 1672, et l’autre de 3,500 livres, en 1685. En vingt-quatre ans, moins de dix-mille livres ! ce qui n’était pas absolument épatant de largesses. Comme on le voit les deux subsides étaient con-

  1. En 1675, trois ans après la nomination de Frontenac, les appointements du gouverneur-général n’étaient encore que de 3,000 livres ; ceux des gouverneurs de Montréal et de Trois-Rivières de 1200 livres chacun. Le lieutenant-général de Québec recevait 700 livres, les conseillers du Conseil Souverain, 300 livres chacun, le maître des hautes œuvres, 300 livres également, l’huissier du Conseil, 100 livres, etc.
    Cf : Supplément du Rapport du Dr Brymner sur les Archives Canadiennes — 1899 — par M. Édouard Richard, — imprimé en 1901. — version française, page 65.
  2. Cf : page 50 de la présente Étude.