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FRONTENAC

le Canada-colonie, qui se disputaient le pouvoir sur l’immense échiquier de la Nouvelle-France, ne comptaient-ils pas à leur crédit respectif un nombre égal de parties gagnées, perdues ou nulles ? Et la belle, toujours remise au lendemain, ne devait-elle pas être définitivement jouée qu’après sa mort ? À l’exception de ses deux nominations au poste de gouverneur du Canada, je ne lui connais pas de succès politiques également admis par ses partisans ou par ses adversaires. Ses meilleurs projets — celui de l’établissement des postes par exemple — combattus avec une virulence, une opiniâtreté et un acharnement sans pareils, ne devaient triompher que bien tard, — lui disparu depuis longtemps — n’être appréciés au mérite qu’à leurs bienfaisants résultats.

Quant aux honneurs acquis, la liste en était courte. Frontenac n’avait pas été un enfant gâté de la Fortune ; il le fut encore moins de Bellone. Louis XIV, à son égard, se montra fort chiche, tout en jouant, vis-à-vis de lui et de sa Cour, au magnifique seigneur. Ses belles paroles, applaudies à outrance, n’étaient qu’une viande creuse pour cet homme affamé de décorations et de titres pompeux.

Sans la traite, que Frontenac pratiquait à portes closes, sans la traite, dis-je, exercée en sous-main, le gouverneur du Canada se fût trouvé dans l’impossibilité de se maintenir à la hauteur de sa charge, vu l’insuffisance du traitement officiel attaché à cette position, beaucoup plus honorifique que rémunératrice. Lisez la correspondance de Frontenac, ses lettres au ministre ; la moitié se rapporte à des gratifications, à des augmentations de salaire, que le besoigneux gouverneur ne cesse de solliciter, de quémander, pour l’excellente raison qu’elles n’arrivent jamais. On dirait vraiment un pauvre employé subalterne dans une administration quelconque, tant il est âpre aux gains, habile aux extras, tenace aux requêtes. Frontenac dut avoir une singulière opinion des financiers ses amis qui l’avaient envoyés au Canada pour se refaire, le jour où on l’installa dans son fauteuil