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FRONTENAC

la mémoire de la comtesse de Frontenac et M. Myrand commence une belle page d’histoire. J’ai souvent entendu mettre en doute l’authenticité des paroles qu’on lui prête. L’improbabilité du fait s’infère de la solennité de la circonstance. Il répugne au sens honnête de croire que la compagne de l’illustre gouverneur se serait objectée à déposer elle-même le cœur de son époux en la chapelle qu’il avait indiquée lui-même comme le lieu de son dernier repos. On a prêté à la comtesse de Frontenac une réponse qui sent la pose, et cette noble dame avait toute autre chose à faire dans le moment qu’à préparer pour la postérité une phrase qui ne lui ferait pas honneur et n’aurait que le mérite d’être prétentieuse. »

En fin finale, pour me servir de l’énergique pléonasme de Saint-François de Sales, en fin finale, que nous importent tous ces commérages scandaleux et méchants imaginés sur le compte des Frontenacs ? À quoi bon ressasser la cendre de toutes ces vieilles anecdotes calomnieuses, qui s’effritent et tombent d’elles-mêmes en poussière sitôt que la critique les touche et les veut analyser. Les mémoires éprises des fastes glorieux de notre histoire ont, à l’endroit des Buades, autre chose à retenir que ces caquetages séniles et ces babils clandestins.

« Si je m’étais confié à certaines anecdotes, m’écrivait M. Pierre Margry, à la date du 30 avril 1891, j’aurais prêté à Frontenac quelques traits du Don Juan de Molière s’arrangeant avec Monsieur Dimanche. Mais il y a danger à laisser glisser le tableau dans le comique. La grandeur et même le charme du personnage s’en diminuent. Je me suis borné à montrer — en écartant le comte chargé de dettes, l’amoureux de Madame de Montespan, le danseur élégant des bals de la Reine — à montrer, dis-je, dans le gouverneur du Canada l’homme de grand esprit, de grands sentiments, impressionnable à toutes les belles choses, habile à communiquer son ardeur et ses joies, et laissant après lui la Nouvelle-France enrichie, glorieuse et étendue [1]. »

  1. « Si j’ai réussi là-dessus, ajoutait-il, cela me suffit ;