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Mais aussi sans mépris. — Quelques religieux
Priaient bas, et le chœur était silencieux.
Les orgues se taisaient, les lampes immobiles
Semblaient dormir en paix sous les voûtes tranquilles ;
Un écho prolongé répétait chaque pas.
Solitudes de Dieu ! qui ne vous connaît pas ?
Dômes mystérieux, solennité sacrée,
Quelle âme, en vous voyant, est jamais demeurée
Sans doute ou sans terreur ? — Toutefois devant vous
L’inconnu ne baissa le front ni les genoux.
Il restait en silence et comme dans l’attente.
— L’heure sonne. — Ce fut une femme tremblante
De vieillesse sans doute, ou de froid (car la nuit
Etait froide), qui vint à lui. "Le temps s’enfuit,
Dit-il, entendez-vous le coq chanter ? La rue
Paraît déserte encor, mais l’ombre diminue ;
Marchez donc devant moi." La vieille répliqua :
"Voici la clef ; allez jusqu’à ce mur, c’est là
Qu’on vous attend ; allez vite, et faites en sorte
Qu’on vous voie. — Merci", dit l’étranger. — La porte
Retomba lentement derrière lui. "Le ciel
Les garde ! " dit la vieille en marchant à l’autel.

Où donc, noble jeune homme, à cette heure où les ombres
Sous les pieds du passant tendent leurs voiles sombres,
Où donc vas-tu si vite ? et pourquoi ton coursier
Fait-il jaillir le feu de l’étrier d’acier ?
Ta dague bat tes flancs, et ta tempe ruisselle :
Jeune homme, où donc vas-tu ? qui te pousse ou t’appelle ?
Pourquoi comme un fuyard sur l’arçon te courber ?