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L’Abbé
Et vous l’avez reprise ?
Rafael, cassant son verre.
Aussi vrai que voilà
Un verre de cassé. — Mon amour s’en alla
Bientôt. — Que voulez-vous ? moi, j’ai donné ma vie
À ce dieu fainéant qu’on nomme fantaisie.
C’est lui qui, triste ou fou, de face ou de profil,
Comme un polichinel me traîne au bout d’un fil ;
Lui qui tient les cordons de ma bourse, et la guide
De mon cheval ; jaloux, badaud, constant, perfide,
En chasse au point du jour dimanche, et vendredi
Cloué sur l’oreiller jusque et passé midi.
Ainsi je vais en tout, — plus vain que la fumée
De ma pipe, — accrochant tous les pavés. — L’année
Dernière, j’étais fou de chiens d’abord, et puis
De femmes. — Maintenant, ma foi, je ne le suis
De rien. — J’en ai bien vu, des petites princesses !
La première surtout m’a mangé de caresses :
Elle m’a tant baisé, pommadé, ballotté !
C’est fini, voyez-vous, celle-là m’a gâté.
Quant à la Camargo, vous la pouvez bien prendre
Si le cœur vous en dit ; mais je me veux voir pendre
Plutôt que si ma main de sa nuque approchait.
L’Abbé
Triste !
Rafael
Encor triste, abbé ? (Aux musiciens.)
Hé ! messieurs de l’archet,