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Vive l’hymen ! — Ceci, c’est mon présent de noce,
(Il l’embrasse.)
Et j’y joindrai ceci, pour souvenir de moi.
CAMARGO
Quoi ! votre éventail ?
RAFAEL
                               Oui. N’est-il pas beau, ma foi ?
Il est large à peu près comme un quartier de lune, -
Cousu d’or comme un paon - frais et joyeux comme une
Aile de papillon, — incertain et changeant
Comme une femme. — Il a des paillettes d’argent
Comme Arlequin. — Gardez-le, il vous fera peut-être
Penser à moi ; c’est tout le portrait de son maître.
CAMARGO
Le portrait en effet. — O malédiction !
Misère ! — Oh ! par le ciel, honte et dérision !…
Homme stupide, as-tu pu te prendre à ce piège
Que je t’avais tendu ? — Dis ! — Qui suis-je ? Que fais-je ?
Va, tu parles avec un front mal essuyé
De nos baisers d’hier. — Oh ! c’est honte et pitié !
Va, tu n’es qu’une brute, et tu n’a qu’une joie
Insensée, en pensant que je lâche ma proie !
Quand je devrais aller, nu-pieds, t’attendre au coin
Des bornes, si caché que tu sois et si loin,
J’irai. — Crains mon amour, Garuci, il est immense
Comme la mer ! — Ma fosse est ouverte, mais pense
Que je viendrai d’abord par le dos t’y pousser.
Qui peut lécher peut mordre, et qui peut embrasser
Peut étouffer. — Le front des taureaux en furie,
Dans un cirque, n’a pas la cinquième partie