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PREMIERES POESIES.

Et son cœur gros d’amour, plus fatigué qu’éteint,
Tout d’une folle nuit vous eût rendu certain.
Près d’elle, son amant, d’un œil plein de caresse,
Cherchant l’œil de faucon de sa jeune maîtresse,
Se penchait sur sa bouche, ardent à l’apaiser,
Et pour chaque sanglot lui rendait un baiser.
Ainsi passait le temps. — Sur la place moins sombre
Déjà le blanc matin faisant grisonner l’ombre,
L’horloge d’un couvent s’ébranla lentement ;
Sur quoi le jouvenceau courut, en un moment,
D’abord à son habit, ensuite à son épée ;
Puis, voyant sa beauté de pleurs toute trempée :
"Allons, mon adorée, un baiser, et bonsoir !
— Déjà partir, méchant ! — Bah ! je viendrai vous voir
Demain, midi sonnant ; adieu, mon amoureuse !
— Don Paez ; don Paez ! Certe, elle est bien heureuse,
La galante pour qui vous me laissez sitôt.

— Mauvaise ! vous savez qu’on m’attend au château.
Ma galante, ce soir, mort-Dieu, c’est ma guérite.
— Eh ! pourquoi donc alors l’aller trouver si vite ?
Par quel serment d’enfer êtes-vous donc lié ?
— Il le faut. Laisse-moi baiser ton petit pied !
— Mais regardez un peu, qu’un lit de bois de rose,
Des fleurs, une maîtresse, une alcôve bien close,
Tout cela ne vaut pas, pour un fin cavalier,
Une vieille guérite au coin d’un vieux pilier !
— La belle épaule blanche, ô ma petite fée !
Voyons, un beau baiser. — Comme je suis coiffée !
Vous êtes un vilain ! — La paix ! Adieu, mon cœur ;
Là, là, ne faites pas ce petit air boudeur.
Demain,