Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion


MADAME LA MARQUISE.


Vous connaissez que j’ai pour mie
Une Andalouse à l’œil lutin,
Et sur mon cœur, tout endormie,
Je la berce jusqu’au matin.

Voyez-la, quand son bras m’enlace
Comme le col d’un cygne blanc,
S’enivrer, oublieuse et lasse,
De quelque rêve nonchalant.

Gais chérubins ! veillez sur elle.
Planez, oiseaux, sur notre nid :
Dorez du reflet de votre aile
Son doux sommeil, que Dieu bénit !

Car toute chose nous convie
D’oublier tout, fors notre amour :
Nos plaisirs, d’oublier la vie ;
Nos rideaux, d’oublier le jour.

Pose ton souffle sur ma bouche,
Que ton âme y vienne passer !
Oh ! restons ainsi dans ma couche
Jusqu’à l’heure de trépasser !

Restons. L’étoile vagabonde
Dont les sages ont peur de loin[1],
Peut-être, en emportant le monde,
Nous laissera dans notre coin.

  1. Dans ce temps-là on parlait beaucoup de la comète de 1832.