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Demain ! le vais-je attendre à compter par seconde
Les heures sur mes doigts, ou sur les battements
De mon cœur, comme un juif qui calcule le temps
D’un prêt ? — Demain ensuite, irai-je pour te plaire
Jouer à croix ou pile, et mettre ma colère
Au bout d’un pistolet qui tremble avec ta main ?
Non pas. — Non ! aujourd’hui est à nous, mais demain
Est à Dieu ! —

L’abbé.

Est à Dieu ! —Songez donc… —

Camargo.

Est à Dieu ! —Songez donc… —Annibal, je t’adore !
Embrasse-moi !

Il se jette à son cou.
L’abbé.

Embrasse-moi !Démons !! —

Camargo.

Embrasse-moi ! Démons !! —Mon cher amour, j’implore
Votre protection. — Voyez qu’il se fait tard. —
Me refuserez-vous ? — Tiens, tiens, prends ce poignard.
Qui te verra passer ? il fait si noir !

L’abbé.

Qui te verra passer ? il fait si noir !Qu’il meure,
Et vous êtes à moi ?

Camargo.

Et vous êtes à moi ?Cette nuit.

L’abbé.

Et vous êtes à moi ? Cette nuit.Dans une heure.
Ah ! je ne puis marcher. — Mes pieds tremblent. — Je sens
Je — je vois —

Camargo.

Je — je vois —Annibal ! je suis prête, et j’attends.