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Bientôt. — Que voulez-vous ? moi, j’ai donné ma vie
À ce dieu fainéant qu’on nomme fantaisie.
C’est lui qui, triste ou fou, de face ou de profil,
Comme un polichinel me traîne au bout d’un fil ;
Lui qui tient les cordons de ma bourse et la guide
De mon cheval ; jaloux, badaud, constant, perfide.
En chasse au point du jour dimanche, et vendredi
Cloué sur l’oreiller jusque et passé midi.
Ainsi je vais en tout, — plus vain que la fumée
De ma pipe, — accrochant tous les pavés. — L’année
Dernière, j’étais fou de chiens d’abord, et puis
De femmes. — Maintenant, ma foi, je ne le suis
De rien. — J’en ai bien vu, des petites princesses !
La première surtout m’a mangé de caresses ;
Elle m’a tant baisé, pommadé, balloté !
C’est fini, voyez-vous : — celle-là m’a gâté.
Quant à la Camargo, vous la pouvez bien prendre
Si le cœur vous en dit ; mais je me veux voir pendre
Plutôt que si ma main de sa nuque approchait.

L’abbé.

Triste !

Rafael.

Triste !Encor triste, abbé ?
Aux musiciens.
Triste ! Encor triste, abbé ?Hé ! messieurs de l’archet,
En ut ! égayez donc un peu Sa Courtoisie.

Musique.

Ma foi, voilà deux airs très-beaux.

Il parle en se promenant, pendant que l’orchestre joue piano.

Ma foi, voilà deux airs très-beaux.La poésie,
Voyez-vous, c’est bien. — Mais la musique, c’est mieux.
Pardieu ! voilà deux airs qui sont délicieux ;
La langue sans gosier n’est rien. — Voyez le Dante :