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Le sphinx aux yeux perçants attend qu’on lui réponde.
Ils savent compter l’heure, et que leur terre est ronde,
Ils marchent dans leur ciel sur le bout d’un compas ;
Mais ce que tu voulais, ils ne le savent pas.


XLVI


« Quelle est donc, disent-ils, cette femme inconnue,
Qui seule eût mis la main au frein de son coursier ?
Qu’il appelait toujours et qui n’est pas venue ?
Où l’avait-il trouvée ? où l’avait-il perdue ?
Et quel nœud si puissant avait su les lier,
Que, n’ayant pu venir, il n’ait pu l’oublier ?


XLVII


« N’en était-il pas une, ou plus noble, ou plus belle,
Parmi tant de beautés, qui, de loin ou de près,
De son vague idéal eût du moins quelques traits ?
Que ne la gardait-il ? qu’on nous dise laquelle. »
Toutes lui ressemblaient, — ce n’était jamais elle ;
Toutes lui ressemblaient, don Juan, et tu marchais.


XLVIII


Tu ne t’es pas lassé de parcourir la terre !
Ce vain fantôme, à qui Dieu t’avait envoyé,
Tu n’en as pas brisé la forme sous ton pied !
Tu n’es pas remonté, comme l’aigle à son aire
Sans avoir sa pâture, ou comme le tonnerre
Dans sa nue aux flancs d’or, sans avoir foudroyé !