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Vous qui cherchez l’auteur à de certains endroits,
Comme un amant heureux cherche, dans son ivresse,
Sur un billet d’amour les pleurs de sa maîtresse,
Et rêve, en le lisant, au doux son de sa voix ;

IV


Sachez-le, — c’est le cœur qui parle et qui soupire
Lorsque la main écrit, — c’est le cœur qui se fond ;
C’est le cœur qui s’étend, se découvre et respire,
Comme un gai pèlerin sur le sommet d’un mont.
Et puissiez-vous trouver, quand vous en voudrez rire,
À dépecer nos vers le plaisir qu’ils nous font !

V


Qu’importe leur valeur ? La muse est toujours belle,
Même pour l’insensé, même pour l’impuissant ;
Car sa beauté pour nous, c’est notre amour pour elle.
Mordez et croassez, corbeaux, battez de l’aile.
Le poète est au ciel ; et lorsqu’en vous poussant
Il vous y fait monter, c’est qu’il en redescend.

VI


Allez, — exercez-vous, — débrouillez la quenouille.
Essoufflez-vous à faire un bœuf d’une grenouille.
Avant de lire un livre, et de dire : « J’y crois ! »
Analysez la plaie, et fourrez-y les doigts ;
Il faudra de tout temps que l’incrédule y fouille,
Pour savoir si son Christ est monté sur la croix.