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Le bonheur vient de vous, comme il vous vient du ciel.
Laissez-moi seulement baiser votre chaussure ;
Laissez-moi me repaître et m’ouvrir ma blessure.
Ne vous détournez pas ; laissez-moi vos beaux yeux.
N’épousez pas Irus, je serai bien heureux.
Laissez-moi rester là, près de vous, en silence,
La main dans votre main, — passer mon existence
À sentir jour par jour mon cœur se consumer…

Ninon.

Taisez-vous, — j’ai promis de ne pas vous aimer.


Scène VII.

Un salon.
Le Duc LAËRTE, assis sur une estrade ; IRUS, à sa droite, en habit cramoisi et l’épée à la main ; SILVIO, à sa gauche ; SPADILLE, QUINOLA, debout.
Laërte.

Me voici sur mon trône assis comme un grand juge.
L’innocence à mes pieds peut chercher un refuge.
Irus est le bourreau, Silvio le confesseur.
Nous sommes justiciers de l’honneur des familles.
Chambellan Quinola, faites venir mes filles.

(Ninon et Ninette entrent, habillées en bergères.)

Ninon.

C’est en mon nom, grand duc, comme au nom de ma sœur,
Que je viens déclarer à Votre Seigneurie
L’immuable dessein que nous avons formé.

Laërte.

Voilà l’habit claustral galamment transformé.