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Laërte.

Peut-être toutes deux, n’est-il pas vrai, mon gendre ?
Si je le trouve bon, qu’avez-vous à reprendre ?
Ô mon fils bien-aimé ! laissons parler les sots.

Silvio.

On a bouleversé la terre avec des mots.

Laërte.

Eh ! que m’importe à moi ! — Je n’ai que vous au monde
Après mes deux enfants. Que me fait un brocard ?
Vous êtes assez mûr sous votre tête blonde
Pour porter du respect à l’honneur d’un vieillard.

Silvio.

Ah ! je mourrais plutôt. Ce n’est pas ma pensée.

Laërte.

Supposons que des deux vous vous fassiez aimer ;
Celle qui restera voudra vous pardonner.
Votre image, Silvio, sera bientôt chassée
Par un rêve nouveau, par le premier venu.
Croyez-moi, les enfants n’aiment que l’inconnu.
Dès que vous deviendrez le bourgeois respectable
Qui viendra tous les jours s’asseoir à déjeuner,
Qu’on verra se lever, aller et retourner,
Mettre après le café ses coudes sur la table,
On ne cherchera plus l’être mystérieux.
On aimera le frère et c’est ce que je veux.
Si mon sot de neveu parle de mariage,
On l’en détestera quatre fois davantage.
C’est encor mon souhait. Mes enfants ont du cœur ;
L’une soit votre femme, et l’autre votre sœur.
Je me confie à vous, — à vous, fils de mon frère.
Qui serez le mari d’une de mes enfants,
Qui ne souillerez pas la maison de leur père,
Et qui ne jouerez pas avec ses cheveux blancs.