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Le mépris le courbait, et la honte souffrante
Qui suit le pauvre était attachée à son dos.
L’univers et ses lois le remplissaient de haine.
Toujours triste, toujours marchant de ce pas lent
Dont un vieux pâtre suit son troupeau nonchalant,
Il errait dans les bois, par les monts et la plaine.
Et braconnant partout, et partout rejeté,
Il allait gémissant sur la fatalité ;
Le col toujours courbé comme sous une hache :
On eût dit un larron qui rôde et qui se cache,
Si ce n’est pis encore, — un mendiant honteux
Qui n’ose faire un coup, crainte d’être victime,
Et, pour toute vertu, garde la peur du crime,
Ce chétif et dernier lien des malheureux.
Oui, ma chère Mamette, oui, j’ai connu cet être.

DÉIDAMIA.

Qui donc est là, debout, derrière la fenêtre,
Avec ces deux grands yeux, et cet air étonné ?

FRANK.

Où donc ? Je ne vois rien.

DÉIDAMIA.

Où donc ? Je ne vois rien.Si. — Quelqu’un nous écoute,
Qui vient de s’en aller quand tu t’es retourné.

Frank.

C’est quelque mendiant qui passe sur la route.
Allons, Déidamia, cela t’a fait pâlir.

DÉIDAMIA.

Eh bien, et ton histoire, où veut-elle en venir ?

FRANK.

Une autre fois, — c’était au milieu des orgies,
Je vis dans un miroir, aux clartés des bougies,
Un joueur pris de vin, couché sur un sofa,
Une femme, ou du moins la forme d’une femme,