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FRANK, à part.

C’est une jonglerie atroce, en vérité !
Ô toi qui les entends, suprême intelligence,
Quelle pagode ils font de leur Dieu de vengeance !
Quel bourreau rancunier, brûlant à petit feu !
Toujours la peur du feu. — C’est bien l’esprit de Rome.
Ils vous diront après que leur Dieu s’est fait homme.
J’y reconnais plutôt l’homme qui s’est fait Dieu.

LE CHŒUR.

Notre tâche, messieurs, n’est pas encor remplie.
Nous avons pour son âme imploré le pardon :
Si l’un de nous connaît l’histoire de sa vie,
Qu’il s’avance et qu’il parle.

FRANK, à part.

Qu’il s’avance et qu’il parle.Ah ! nous y voilà donc !

UN OFFICIER, sortant des rangs.

Soldats et chevaliers, braves compagnons d’armes,
Si jamais homme au monde a mérité vos larmes,
C’est celui qui n’est plus. — Charle était mon ami.
J’ai le droit d’être fier dès qu’il s’agit de lui.
— Né dans un bourg obscur, au fond d’une chaumière,
Frank chez des montagnards vécut longtemps en frère,
En fils, — chéri de tous, et de tous bien venu.

FRANK, s’avançant.

Vous vous trompez, monsieur, vous l’avez mal connu.
Frank était détesté de tout le voisinage.
Est-il ici quelqu’un qui soit de son village ?
Demandez si c’est vrai. — Moi, j’en étais aussi.

LE PEUPLE.

Moine, n’interromps pas. — Cet homme est son ami.

LES SOLDATS.

C’est vrai que le cher homme avait l’âme un peu fière ;
S’il aimait ses voisins, il n’y paraissait guère ;