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Scène II

FRANK, GUNTHER, restés seuls.
GUNTHER.

Ne les suivez-vous pas, seigneur, sous ce portique ?
Ô mon maître ! au milieu d’une fête publique,
Qui d’un si juste coup frappe nos ennemis,
Avez-vous distingué le cœur de vos amis ?
Hélas ! les vrais amis se taisent dans la foule ;
Il leur faut, pour s’ouvrir, que ce vain flot s’écoule.
Ô mon frère, ô mon maître, ils t’ont proclamé roi !
Dieu merci, quoique vieux, je puis encor te suivre,
Jeune soleil levant, si le ciel me fait vivre.
Je ne suis qu’un soldat, seigneur, excusez-moi.
Mon amitié vous blesse et vous est importune.
Ne partagez-vous point l’allégresse commune ?
Qui vous arrête ici ? Vous devez être las.
La peine et le danger font les joyeux repas.

LE CHŒUR, dans la maison.

xxxxxxxChantons, et faisons vacarme,
xxxComme il convient à de dignes buveurs.
xxxxxVivent ceux que le vin désarme !
xxxxxLes jours de combat ont leur charme ;
xxxxxMais la paix a bien ses douceurs.

GUNTHER.

Seigneur, mon cher seigneur, pourquoi ces regards sombres ?
Le vin coule et circule. — Entendez-vous ces chants ?
Des convives joyeux je vois flotter les ombres
Derrière ces vitraux de feux resplendissants.