Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Danseront un millier de valses et de rondes,
Avant qu’un coup semblable ait lieu sous le soleil[1].
Ah ! mon cœur est noyé ! — Je commence à comprendre
Ce qui fait qu’un mourant que le frisson va prendre
À regarder son or trouve encor des douceurs,
Et pourquoi les vieillards se font enfouisseurs.

Comptant.

Quinze mille en argent, — le reste en signature.
C’est un coup du destin. — Quelle étrange aventure !
Que ferais-je aujourd’hui, qu’aurais-je fait demain,
Si je n’avais trouvé Stranio sur mon chemin ?
Je tue un grand seigneur, et lui prends sa maîtresse ;
Je m’enivre chez elle, et l’on me mène au jeu.
À jeun, j’aurais perdu, — je gagne dans l’ivresse ;
Je gagne et je me lève. — Ah ! c’est un coup de Dieu.

Il ouvre la fenêtre.

Je voudrais bien me voir passer sous ma fenêtre
Tel que j’étais hier. — Moi, Frank, seigneur et maître
De ce vaste logis, possesseur d’un trésor,
Voir passer là-dessous Frank le coureur de lièvres,
Frank le pauvre, l’œil morne et la faim sur les lèvres,
Le voir tendre la main et lui jeter cet or.
Tiens, Frank, tiens, mendiant, prends cela, pauvre hère.

Il prend une poignée d’or.

Il me semble en honneur que le ciel et la terre
Ne sauraient plus m’offrir que ce qui me convient,
Et que depuis hier le monde m’appartient.

Exit.
  1. La terre pourra faire plus de mille danses, etc., etc.
    SCHILLER.