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ACTE DEUXIÈME


Scène PREMIÈRE

Un salon.
FRANK, devant une table chargée d’or

De tous les fils secrets qui font mouvoir la vie,
Ô toi, le plus subtil et le plus merveilleux !
Or ! principe de tout, larme au soleil ravie !
Seul dieu toujours vivant, parmi tant de faux dieux !
Méduse, dont l’aspect change le cœur en pierre,
Et fait tomber en poudre aux pieds de la rosière
La robe d’innocence et de virginité ! —
Sublime corrupteur ! — Clef de la volonté ! —
Laisse-moi t’admirer ! — parle-moi, — viens me dire
Que l’honneur n’est qu’un mot, que la vertu n’est rien ; —
Que, dès qu’on te possède, on est homme de bien ; —
Que rien n’est vrai que toi ! — Qu’un esprit en délire
Ne saurait inventer de rêves si hardis,
Si monstrueusement en dehors du possible,
Que tu ne puisse encor sur ton levier terrible
Soulever l’univers, pour qu’ils soient accomplis !
— Que de gens cependant n’ont jamais vu qu’en songe
Ce que j’ai devant moi ! — Comme le cœur se plonge
Avec ravissement dans un monceau pareil ! —
Tout cela, c’est à moi ; — les sphères et les mondes