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Tournent — tout se confond. — Le fanal solitaire
Comme un homme enivré chancelle. — Ange des cieux !
N’est-ce pas pour toujours qu’elle a fermé les yeux ?

La grille en cet instant a résonné. — Silence !
Un pas se fait entendre — un jeune homme s’élance.
Il est couvert d’un froc. Tous se sont écartés.
Il traverse la foule à pas précipités :

« Mes sœurs, demande-t-il, où donc est la novice ? »

Il l’a vue ; un soupir dans l’ombre a répondu.
Alors d’un ton de voix qui veut qu’on obéisse :
« Georgette, lui dit-il, Georgette, m’entends-tu ? »

En prononçant ces mots, le frère se découvre.
De la malade alors la paupière s’entrouvre ;
L’a-t-elle reconnu ? Son œil terne et hagard
Est voilé d’un nuage et se perd dans le vide.
Il doute — sur son front passe un éclair rapide.
« Laissez-nous seuls, dit-il ; je suis venu trop tard. »

Le ciel s’obscurcissait. — Les traits de la mourante
S’effaçaient par degrés sous la clarté tremblante.
Auprès de son chevet le crucifix laissé
De ses débiles mains à terre avait glissé.
Le silence régnait dans tout le monastère,
Un silence profond — triste — et que par moment
Interrompait un faible et sourd gémissement.
Sous le rideau du lit courbant son front sévère,
L’étranger immobile écoutait — regardait —
Tantôt il suppliait — tantôt il ordonnait.
On distingua de foin quelques gestes bizarres,