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Ses bras cherchent dans l’ombre et se tordent. — Sa bouche
Fait pour baiser la croix des efforts impuissants.
Elle pleure — elle crie — elle appelle à voix haute
Sa mère… — Ô pâles sœurs ! quelle fut donc sa faute ?
Car ce n’est pas ainsi que l’on meurt à seize ans.

Le soleil a deux fois rendu le jour au monde
Depuis que dans ce cloître un vieillard l’amena.
Il regarda tomber sa chevelure blonde,
Lui montra sa cellule — et puis lui pardonna.
Elle était à genoux quand il s’éloigna d’elle ;
Mais en se relevant une pâleur mortelle
La força de chercher un bras pour s’appuyer —
Et depuis ce moment on n’a plus qu’à prier.

Ah ! priez sur ce lit ! priez pour la mourante !
Si jeune ! et voyez-la, sa main faible et tremblante
Vous montre en expirant le lieu de la douleur —
Et, quel que soit son mal, il est venu du cœur.

Savez-vous ce que c’est qu’un cœur de jeune fille ?
Ce qu’il faut pour briser ce fragile roseau
Qui ploie et qui se courbe au plus léger fardeau ?
L’amitié — le repos — celui de sa famille —
La douce confiance — et sa mère — et son Dieu —
Voilà tous ses soutiens ; — qu’un seul lui manque, adieu.
Ah ! priez. Si la mort à son heure dernière
À la clarté du ciel entr’ouvrait sa paupière,
Peut-être elle dirait, avant de la fermer,
Comme Desdemona : — « Tuer pour trop aimer. »

Il est sous le soleil de douces créatures
Sur qui le ciel versa ses beautés les plus pures,