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Le reste est un mystère ignoré de la foule,
Comme celui des flots, de la nuit et des bois !…

Oh ! quand tout a tremblé, quand l’âme tout entière
Sous le démon divin se sent encor frémir,
Pareille à l’instrument qui ne peut plus se taire,
Et qui d’avoir chanté semble longtemps gémir…
Et quand la faible enfant, que son délire entraîne,
Mais qui ne sait d’amour qui ce qu’elle en rêva,
Vient à lever les yeux… la belle Américaine,
Qui dérobait les siens, enfin les souleva.

Sur qui ? — Bien des regards, ainsi qu’on peut le croire,
Comme un regard de reine avaient cherché le sien,
Que de fronts orgueilleux qui s’en seraient fait gloire !
Sur qui donc ? — Pauvre enfant, le savait-elle bien ?

Ce fut sur un jeune homme à l’œil dur et sévère,
Qui la voyait venir et ne la cherchait pas ;
Qui, lorsqu’elle emportait une assemblée entière,
N’avait pas dit un mot, ni fait vers elle un pas.
Il était seul, debout : — un étrange sourire ; —
Sous de longs cheveux blonds des traits efféminés ; —
À ceux qui l’observaient son regard semblait dire :
On ne vous croira pas si vous me devinez.
Son costume annonçait un fils de l’Angleterre ;
Il est, dit-on, d’Oxford. — Né dans l’adversité,
Il habite le toit que lui laissa son père,
Et prouve un noble sang par l’hospitalité.
Il se nomme Tiburce.

Il se nomme Tiburce.On dit que la nature
A mis dans sa parole un charme singulier,