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LE SAULE


FRAGMENT


I


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il se fit tout à coup le plus profond silence,

Quand Georgina Smolen se leva pour chanter.
Miss Smolen est très-pâle. — Elle arrive de France,
Et regrette le sol qu’elle vient de quitter.
On dit qu’elle a seize ans. — Elle est Américaine ;
Mais dans ce beau pays dont elle parle à peine,
Jamais deux yeux plus doux n’ont du ciel le plus pur
Sondé la profondeur et réfléchi l’azur.
Faible et toujours souffrante, ainsi qu’un diadème
Elle laisse à demi, sur son front orgueilleux,
En longues tresses d’or tomber ses blonds cheveux,
Elle est de ces beautés dont on dit qu’on les aime
Moins qu’on ne les admire ; — un noble, un chaste cœur ; —
La volupté, pour mère, y trouva la pudeur.
Bien que sa voix soit douce, elle a sur le visage,
Dans les gestes, l’abord, et jusque dans ses pas,
Un signe de hauteur qui repousse l’hommage,
Soit tristesse ou dédain, mais qui ne blesse pas.