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DOM PAEZ.
Elle veut l’attirer. —Quatre mots seulement,

Vieille. — Me connais-tu ? Prends cette bourse, et songe
Que je ne veux de toi ni conte ni mensonge.

BELISA.
De l’or, beau cavalier ? Je sais ce que tu veux :

Quelque fille de France, avec de beaux cheveux
Bien blonds ! — J’en connais une.

DOM PAEZ.
Bien blonds ! — J’en connais une. Elle perdrait sa peine :

Je n’ai plus maintenant d’amour que pour ma haine.

BELISA.
Ta haine ? Ah ! je comprends. — C’est quelque trahison ;

Ta belle t’a fait faute, et tu veux du poison.

DOM PAEZ.
Du poison, j’en voulais d’abord. — Mais la blessure

D’un poignard est, je crois, plus profonde est plus sûre.

BELISA.
Mon fils, ta main est faible encor ; — tu manqueras

Ton coup, et mon poison ne le manquera pas.
Regarde comme il est vermeil, il donne envie
D’y goûter ; on dirait que c’est de l’eau-de-vie.

DOM PAEZ.
Non. — Je ne voudrais pas, vois-tu, la voir mourir

Empoisonnée ; — on a trop longtemps à souffrir.
Il faudrait rester là deux heures, et peut-être
L’achever. — Ton poison, c’est une arme de traître ;
C’est un chat qui mutile et qui tue à plaisir
Un misérable rat dont il a le loisir.
Et puis, cet attirail, cette mort si cruelle ;
Ces sanglots, ces hoquets… — Non, non ; elle est trop belle !
Elle mourra d’un coup.