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Celui qui perd l’esprit, ni celui qui rend l’âme,
N’ont oublié la voix de la première femme
Qui leur a dit tout bas ces quatre mots si doux
Et si mystérieux : « My dear child, I love you. »


X


Ce fut aux premiers jours d’automne, au mois d’octobre,
Que Mardoche revint au monde. — Il était sobre
D’habitude, et mangeait vite. — Son cuisinier
Ne le gênait pas plus que son palefrenier.
Il ne prit ni cocher, ni groom, ni gouvernante,
Mais (honni soit qui mal y pense !) une servante.
De ses façons d’ailleurs rien ne parut changé.
Peut-être dira-t-on qu’il était mal logé ;
C’est à quoi je réponds qu’il avait pour voisine
Deux yeux napolitains qui s’appelaient Rosine.


XI


J’adore les yeux noirs avec des cheveux blonds.
Tels les avait Rosine, — et de ces regards, longs
À s’y noyer. — C’étaient deux étoiles d’ébène
Sur des cieux de cristal ; — tantôt mourants, à peine
Entr’ouverts au soleil, comme les voiles blancs
Des abbesses de cour ; — tantôt étincelants,
Calmes, livrant sans crainte une âme sans mélange,
Doux, et parlant aux yeux le langage d’un ange.
— Que Mardoche y prît goût, ce n’est aucunement,
Judicieux lecteur, raison d’étonnement.