Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Une bonne passa, qui tenait un enfant.
Je crus m’apercevoir que le pauvre innocent
Avait dans ses grands yeux quelque mélancolie.
Ayant toujours aimé cet âge à la folie,

XXIX

Et, ne pouvant souffrir de le voir maltraité,
Je fus à la rencontre, et m’enquis de la bonne
Quel motif de colère ou de sévérité
Avait du chérubin dérobé la gaieté.
« Quoi qu’il ait fait d’abord, je veux qu’on lui pardonne,
Lui dis-je, et ce qu’il veut, je veux qu’on le lui donne. »

XXX

(C’est mon opinion de gâter les enfants.)
Le marmot là-dessus, m’accueillant d’un sourire,
D’abord à me répondre hésita quelque temps ;
Puis il tendit la main, et finit par me dire :
« Qu’il n’avait pas de quoi donner aux mendiants. »
Le ton dont il le dit, je ne peux pas l’écrire.

XXXI

Mais vous savez, lecteur, que j’étais ruiné ;
J’avais encor, je crois, deux écus dans ma bourse ;
C’était, en vérité, mon unique ressource,
La seule goutte d’eau qui restât dans la source,
Le seul verre de vin pour mon prochain dîné ;
Je les tirai bien vite, et je les lui donnai.