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UNE BONNE FORTUNE


I

 
C’est un fait reconnu, qu’une bonne fortune
Est un sujet divin pour un in-octavo.
Ainsi donc, bravement, je vais en conter une ;
Le scandale est de mode ; il se relie en veau.
C’est un goût naturel, qui va jusqu’à la Lune ;
Depuis Endymion, on sait ce qu’elle vaut.

II

Ce qu’on fait maintenant, on le dit ; et la cause
En est bien excusable : on fait si peu de chose !
Mais, si peu qu’il ait fait, chacun trouve à son gré
De le voir par écrit dûment enregistré ;
Chacun sait aujourd’hui quand il fait de la prose ;
Le siècle est, à vrai dire, un mandarin lettré.

III

Il faut en convenir, l’antique Modestie
Faisait bâiller son monde, et nous n’y tenions plus.
Grâce à Dieu, pour New-York elle est enfin partie ;
C’était un vieux rameau de l’arbre de la vie :
Et tant de pauvres gens, d’ailleurs, s’y sont pendus,
Qu’il n’est pas étonnant qu’elle ait les bras rompus.