Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.


À M. RÉGNIER

DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
APRÈS LA MORT DE SA FILLE




Quel est donc ce chagrin auquel je m’intéresse ?
Nous nous étions connus par l’esprit seulement ;
Nous n’avions fait que rire, et causé qu’un moment,
Quand sa vivacité coudoya ma paresse.

Puis j’allais par hasard au théâtre, en fumant,
Lorsque du maître à tous la vieille hardiesse,
De sa verve caustique aiguisant la finesse,
En Pancrace ou Scapin le transformait gaiement.

Pourquoi donc, de quel droit, le connaissant à peine,
Est-ce que je m’arrête et ne puis faire un pas,
Apprenant que sa fille est morte dans ses bras ?

Je ne sais. — Dieu le sait ! Dans la pauvre âme humaine,
La meilleure pensée est toujours incertaine,
Mais une larme coule et ne se trompe pas.