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LE TREIZE JUILLET


STANCES


I

La joie est ici-bas toujours jeune et nouvelle,
Mais le chagrin n’est vrai qu’autant qu’il a vieilli.
À peine si le prince, hier enseveli,
Commence à s’endormir dans la nuit éternelle ;
L’ange qui l’emporta n’a pas fermé son aile ;
Peut-être est-ce bien vite oser parler de lui.

II

Ce fut un triste jour, quand, sur une civière,
Cette mort sans raison vint nous épouvanter.
Ce fut un triste aspect, quand la nef séculaire
Se para de son deuil comme pour le fêter.
Ce fut un triste bruit, quand, au glas funéraire,
Les faiseurs de romans se mirent à chanter.

III

Nous nous tûmes alors, nous, ses amis d’enfance.
Tandis qu’il cheminait vers le sombre caveau.
Nous suivions le cercueil en pensant au berceau ;
Nos pleurs, que nous cachions, n’avaient pas d’éloquence,