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Sera bien autrement savante et salutaire.
C’est trop peu que d’aimer, c’est trop peu que de plaire :
Le jour où l’Hélicon m’entendra sermonner,
Mon premier point sera qu’il faut déraisonner.

XI

Celui qui ne sait pas, quand la brise étouffée
Soupire au fond des bois son tendre et long chagrin,
Sortir seul au hasard, chantant quelque refrain,
Plus fou qu’Ophélia de romarin coiffée,
Plus étourdi qu’un page amoureux d’une fée,
Sur son chapeau cassé jouant du tambourin ;

XII

Celui qui ne voit pas, dans l’aurore empourprée,
Flotter, les bras ouverts, une ombre idolâtrée ;
Celui qui ne sent pas, quand tout est endormi,
Quelque chose qui l’aime errer autour de lui ;
Celui qui n’entend pas une voix éplorée
Murmurer dans la source, et l’appeler ami ;

XIII

Celui qui n’a pas l’âme à tout jamais aimante,
Qui n’a pas pour tout bien, pour unique bonheur,
De venir lentement poser son front rêveur
Sur un front jeune et frais, à la tresse odorante,
Et de sentir ainsi d’une tête charmante
La vie et la beauté descendre dans son cœur ;