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III

Est-ce sur de la neige, ou sur une statue,
Que cette lampe d’or, dans l’ombre suspendue,
Fait onduler l’azur de ce rideau tremblant ?
Non, la neige est plus pâle, et le marbre est moins blanc.
C’est un enfant qui dort. — Sur ses lèvres ouvertes
Voltige par instants un faible et doux soupir ;
Un soupir plus léger que ceux des algues vertes
Quand, le soir, sur les mers voltige le zéphyr,
Et que, sentant fléchir ses ailes embaumées
Sous les baisers ardents de ses fleurs bien-aimées,
Il boit sur ses bras nus les perles des roseaux.

C’est un enfant qui dort sous ces épais rideaux,
Un enfant de quinze ans, — presque une jeune femme ;
Rien n’est encor formé dans cet être charmant.
Le petit chérubin qui veille sur son âme
Doute s’il est son frère ou s’il est son amant.
Ses longs cheveux épars la couvrent tout entière.
La croix de son collier repose dans sa main,
Comme pour témoigner qu’elle a fait sa prière,
Et qu’elle va la faire en s’éveillant demain.

Elle dort, regardez : — quel front noble et candide !
Partout, comme un lait pur sur une onde limpide,
Le ciel sur la beauté répandit la pudeur.
Elle dort toute nue et la main sur son cœur.
N’est-ce pas que la nuit la rend encor plus belle ?
Que ces molles clartés palpitent autour d’elle,