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LE FILS DU TITIEN


SONNET[1]




Lorsque j’ai lu Pétrarque, étant encore enfant,
J’ai souhaité d’avoir quelque gloire en partage.
Il aimait en poëte et chantait en amant ;
De la langue des dieux lui seul sut faire usage.

Lui seul eut le secret de saisir au passage
Les battements du cœur qui durent un moment,
Et, riche d’un sourire, il en gravait l’image
Du bout d’un stylet d’or sur un pur diamant.

Ô vous qui m’adressez une parole amie,
Qui l’écriviez hier et l’oublierez demain,
Souvenez-vous de moi qui vous en remercie.

J’ai le cœur de Pétrarque et n’ai pas son génie ;
Je ne puis ici-bas que donner en chemin
Ma main à qui m’appelle, à qui m’aime ma vie.

3 mai 1838.
  1. Voir, pour ce sonnet et le suivant, dans le recueil des Nouvelles de l’auteur, celle intitulée le Fils du Titien.