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Quand l’ouragan du Nord sur les débris de Rome
De sa sombre avalanche étendit le linceul, —

Regrettez-vous le temps où d’un siècle barbare
Naquit un siècle d’or, plus fertile et plus beau ?
Où le vieil univers fendit avec Lazare
De son front rajeuni la pierre du tombeau ?
Regrettez-vous le temps où nos vieilles romances
Ouvraient leurs ailes d’or vers leur monde enchanté ?
Où tous nos monuments et toutes nos croyances
Portaient le manteau blanc de leur virginité ?
Où, sous la main du Christ, tout venait de renaître ?
Où le palais du prince, et la maison du prêtre,
Portant la même croix sur leur front radieux,
Sortaient de la montagne en regardant les cieux ?
Où Cologne et Strasbourg, Notre-Dame et Saint-Pierre,
S’agenouillant au loin dans leurs robes de pierre,
Sur l’orgue universel des peuples prosternés
Entonnaient l’hosanna des siècles nouveau-nés ?
Le temps où se faisait tout ce qu’a dit l’histoire ;
Où sur les saints autels les crucifix d’ivoire
Ouvraient des bras sans tache et blancs comme le lait ;
Où la Vie était jeune, — où la Mort espérait ?

Ô Christ ! je ne suis pas de ceux que la prière
Dans tes temples muets amène à pas tremblants ;
Je ne suis pas de ceux qui vont à ton Calvaire,
En se frappant le cœur, baiser tes pieds sanglants ;
Et je reste debout sous tes sacrés portiques,
Quand ton peuple fidèle, autour des noirs arceaux,
Se courbe en murmurant sous le vent des cantiques,
Comme au souffle du nord un peuple de roseaux.
Je ne crois pas, ô Christ ! à ta parole sainte :