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Près de l’ardent foyer ou le chêne pétille,
Le vieux Smolen courbé récite à haute voix
L’oraison qu’après lui répète sa famille.
Comme dans ce guerrier si terrible autrefois
La sainte paix de l’âme efface les années!
Il prie, et cependant deux femmes inclinées
Pour parler au Seigneur se reposent sur lui.
Tiburce les connaît; l’une est âgée, — et l’autre...
— Corrupteur, corrupteur, que viens-tu faire ici?
Vois! elle est à genoux, mais les chants de l’apôtre
Ne retentissent plus dans le fond de son cœur.
Pourquoi ces mouvements, ces yeux fixés à terre?
Qui rendra maintenant cette fille à son père?...
Oui sait si ce vieillard, certain de son honneur,
Tout en priant ainsi, n’a pas de sa parole
Détourné sa pensée, et s’il ne bénit pas
En ce moment, hélas! l’enfant qui le console,
Et dont l’ange gardien fuit au bruit de tes pas?

Mais non, non, ce vieillard ne saurait douter d’elle.
Soixante ans de vertu l’ont fait croire au bonheur.
Georgina s’est levée. — Ah! que cette pâleur
Lui sied bien à tes yeux, Tiburce, et qu’elle est belle!
Courbe-toi, jeune fille, et du pied de l’autel
Viens présenter ton front au baiser paternel.
Presse, en te retirant, sur ta lèvre brûlante
La main de ce vieillard; — encor! — bien! presse-la!