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Déjà le jour s’enfuit, — le vent souffle, — silence!
La terreur brise, étend, précipite les sons.
Sous les brouillards du soir le meurtrier s’avance,
Invisible combat de l’homme et des démons!
A l’action, lago! Cassio m.eurt sur la place.
Est-ce un pêcheur qui chante, est-ce le vent qui passe?
Écoute, moribonde! Il n’est pire douleur
Qu’un souvenir heureux dans les jours de malheur.
Mais, lorsqu’au dernier chant la redoutable flamme
Pour la troisième fois vient repasser sur l’âme
Déjà prête à se fondre, et que dans sa frayeur
Elle presse en criant sa harpe sur son cœur...
La jeune fille alors sentit que son génie
Lui demandait des sons que la terre n’a pas;
Soulevant par sanglots des torrents d’harmonie,
Mourante, elle oubliait l’instrument dans ses bras.
O Dieu! mourir ainsi jeune et pleine de vie...
Mais tout avait cessé, le charme et les terreurs,
Et la femme en tombant ne trouva que des pleurs.
Pleure, le ciel te voit! — pleure, fille adorée!
Laisse une douce larme au bord de tes yeux bleus
Briller, en s’ écoulant, comme une étoile aux cieux!
Bien des infortunés dont la cendre est pleurée
Ne demandaient pour vivre et pour bénir leurs maux
Qu’une larme - une seule — et de deux yeux moins beaux!

Échappant aux regards de la foule empressée,