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S’arrêtent pleins d’orgueil, et disent : « C’est assez! »
Qu’est la pensée, hélas ! quand l’action commence?
L’ime recule où l’autre intrépide s’avance
Au redoutable aspect de la réalité,
Celle-ci prend le fer, et s’apprête à combattre;
Celle-là, frêle idole, et qu’un rien peut abattre,
Se détourne en voilant son front inanimé.

Meurs Weber ! meurs courbé sur ta harpe muette;
Mozart t’attend. — Et toi, misérable poète,
Qui que tu sois, enfant, homme, si ton cœur bat,
Agis ! Jette ta lyre; — au combat, au combat!
Ombre des temps passés, tu n’es pas de cet âge.
Entend-on le nocher chanter pendant l’orage?
A l’action! au mal! Le bien reste ignoré.
Allons! cherche un égal à des maux sans remède.
Malheur à qui nous fît ce sens dénaturé!
Le mal cherche le mal, et qui souffre nous aide.
L’homme peut haïr l’homme, et fuir; mais malgré lui
Sa douleur tend la main à la douleur d’ autrui.
C’est tout. Pour la pitié, ce mot dont on nous leurre,
Et pour tous ces discours prostitués sans fin,
Que l’homme au cœur joyeux jette à celui qui pleure,
Comme le riche jette au mendiant son pain,
Qui pourrait en vouloir? et comment le vulgaire,
Quand c’est vous qui souffrez, pourrait-il le sentir,
Lui que Dieu n’a pas fait capable de souffrir?