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Ton doux sourire a trop de patience,
 Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j’aime la Providence.
Ta douleur même est sœur de ma souffrance ;
 Elle ressemble à l’Amitié.

Qui donc es-tu ? ─ Tu n’es pas mon bon ange,
 Jamais tu ne viens m’avertir.
Tu vois mes maux (c’est une chose étrange !)
 Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
 Et je ne saurais t’appeler.
Qui donc es-tu, si c’est Dieu qui t’envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
 Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t’ai vu m’apparaître.
 C’était par une triste nuit.
L’aile des vents battait à ma fenêtre ;
 J’étais seul, courbé sur mon lit.
J’y regardais une place chérie,
 Tiède encor d’un baiser brûlant ;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
 Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,
 Des cheveux, des débris d’amour.