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sort.) Il a lu ma lettre, cela est certain ; sa scène du bois est une vengeance, comme son amour pour Rosette. Il a voulu me prouver qu’il en aimait une autre que moi, et jouer l’indifférent malgré son dépit. Est-ce qu’il m’aimerait, par hasard ? (Elle lève la tapisserie.) Es-tu là, Rosette ?

Rosette, entrant.

Oui, puis-je entrer ?

Camille

Écoute-moi, mon enfant ; le seigneur Perdican ne te fait-il pas la cour ?

Rosette

Hélas ! oui.

Camille

Que penses-tu de ce qu’il t’a dit ce matin ?

Rosette

Ce matin ? Où donc ?

Camille

Ne fais pas l’hypocrite. — Ce matin à la fontaine, dans le petit bois.

Rosette

Vous m’avez donc vue ?

Camille

Pauvre innocente ! Non, je ne t’ai pas vue. Il t’a fait de beaux discours, n’est-ce pas ? Gageons qu’il t’a promis de t’épouser.

Rosette

Comment le savez-vous ?

Camille

Qu’importe comment je le sais ? Crois-tu à ses promesses, Rosette ?

Rosette

Comment n’y croirais-je pas ? il me tromperait donc ? Pour quoi faire ?

Camille

Perdican ne t’épousera pas, mon enfant.

Rosette

Hélas ! je n’en sais rien.

Camille

Tu l’aimes, pauvre fille ; il ne t’épousera pas, et la preuve, je vais te la donner ; rentre derrière ce rideau, tu n’auras qu’à prêter l’oreille et à venir quand je t’appellerai.

(Rosette sort.)
Camille

Moi qui croyais faire un acte de vengeance, ferais-je un acte d’humanité ? La pauvre fille a le cœur pris. (Entre Perdican.) Bonjour, cousin, asseyez-vous.

Perdican

Quelle toilette, Camille ! À qui en voulez-vous ?

Camille

À vous, peut-être ; je suis fâchée de n’avoir pu me rendre au rendez-vous que vous m’avez demandé ; vous aviez quelque chose à me dire ?