Page:Musset - On ne badine pas avec l'amour, 1884.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Maître Bridaine

Que m’apprenez-vous là ?

Maître Blazius

Hélas ! hélas ! la vérité. Je suis en disgrâce complète pour avoir volé une bouteille.

Maître Bridaine

Que parlez-vous, messire, de bouteilles volées à propos d’une luzerne et d’une correspondance ?

Maître Blazius

Je vous supplie de plaider ma cause. Je suis honnête, seigneur Bridaine. Ô digne seigneur Bridaine, je suis votre serviteur !

Maître Bridaine, à part.

Ô fortune ! est-ce un rêve ? Je serai donc assis sur toi, ô chaise bienheureuse !

Maître Blazius

Je vous serai reconnaissant d’écouter mon histoire, et de vouloir bien m’excuser, brave seigneur, cher curé.

Maître Bridaine

Cela m’est impossible, monsieur ; il est midi sonné, et je m’en vais dîner. Si le baron se plaint de vous, c’est votre affaire. Je n’intercède point pour un ivrogne. (À part.) Vite, volons à la grille ; et toi, mon ventre, arrondis-toi.

(Il sort en courant.)
Maître Blazius, seul.

Misérable Pluche ! c’est toi qui payeras pour tous ; oui, c’est toi qui es la cause de ma ruine, femme déhontée, vile entremetteuse, c’est à toi que je dois cette disgrâce. Ô sainte université de Paris ! on me traite d’ivrogne ! Je suis perdu si je ne saisis une lettre, et si je ne prouve au baron que sa nièce a une correspondance. Je l’ai vue ce matin écrire à son bureau. Patience ! voici du nouveau. (Passe dame Pluche portant une lettre.) Pluche, donnez-moi cette lettre.

Dame Pluche

Que signifie cela ? C’est une lettre de ma maîtresse que je vais mettre à la poste au village.

Maître Blazius

Donnez-la-moi, ou vous êtes morte.

Dame Pluche

Moi, morte ! morte !

Maître Blazius

Oui, morte, Pluche ; donnez-moi ce papier.

(Ils se battent. — Entre Perdican.)
Perdican

Qu’y a-t-il ? Que faites-vous, Blazius ? Pourquoi violenter cette femme ?